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19ième étape De St Mars du Désert à St Laurent Du 29 mai au 12 juin 2005 Il pleut bergère. Ponchos et têtes dans les épaules décidément, chaque fois qu’on quitte un lieu… Jérôme n’a pas la pêche, il rêve de rentrer, retrouver son camion, faire du feu dans le poêle, un chocolat chaud et lire un bon bouquin au fond du lit. Bon, faute de mieux, je nous paye une boisson chaude au bistrot du coin et découvre que l’on peut prendre une douche au port de plaisance des péniches. Un jeton pour cinq minutes d’eau chaude. Allez, j’en prends deux par personne. 10 minutes de détente sous l’eau qui coule : du luxe ! Enfin le soleil est de retour et nous filons droit le long du canal. Pilotage automatique, bivouac sauvage, facile et reposant ! Nous traversons Redon les doigts dans le nez, les filles connaissent le boulot. Le
2 juin, nous arrivons à la « ferme équestre des Korrigans ».
Nous retrouvons Marianne, Christophe et les enfants. Nous partageons
beaucoup de choses intensément, le temps en perd ses repères. Un jour
s’est écoulé et Marianne ne sait plus depuis quand nous sommes là.
Sensation déroutante que nous avons rencontrée bien souvent ! Je
mets à profit cet arrêt pour chercher un itinéraire pour rentrer par
les Monts d’Arrès. Jérôme n’est pas emballé mais j’insiste. Le
nez dans les cartes, le doute s’installe en moi. Ai-je vraiment envie de
rallonger ce voyage ou ai-je envie de rentrer ? ! Un
peu des deux mon capitaine. Çà me pose un vrai problème. Après
mûre réflexion, la décision est prise de rentrer en direct. Çà
m’enlève un poids ! Pour
la première fois, nous mettons les filles dans un pré avec des vaches.
Après avoir fait le tour du troupeau côte à côte au petit trot, elles
s’éloignent dans l’herbe grasse et ne s’occupent plus du tout de
ces nouvelles voisines. Le
5 juin, nous quittons les Korrigans et comme à chaque fois, il p…. ?
Vous avez deviné ? ! Enfin comme d’hab, çà ne dure pas.
Nous quittons le canal pour la rigole d’Hilvern où Pierre, Gwen et leur
petit Tudi nous rejoignent pour pique-niquer. La saucisse grille sur une
fourche, faute de grille, et les discussions vont bon train. On se dit
« A dans quelques jours » puisque la ferme où ils habitent,
à Saint Laurent, est notre point d’arrivée et ce n’est plus qu’une
question de jours. Curieusement,
plus on avance, plus on prend notre temps. On passe dire bonjour aux gens
qu’on connaît, on s’arrête discuter avec les paysans du coin, on
fait traîner un peu. A
2 kms de Laniscat, à 4 jours de l ‘arrivée, alors que nous
longeons une petite départementale, un bruit énorme semble se rapprocher
derrière nous. Je me tourne et ne vois rien. Le bruit d’un moteur et de
tôles qui claquent grandit et s’amplifie. Bon sang, mais qu’est-ce
que c’est ? Je me retourne de nouveau et là, un camion avec une
remorque chargée de tôles arrive sur nous à vive allure. Je fais signe
au chauffeur de ralentir. Il s’en tape complètement, nous double sans
laisser de place entre lui et nous et poursuit sa course sans se soucier
de ce qu’il se passe sur la route. Et
pourtant, au milieu de la chaussée, on peut voir Dorée affolée et moi
sur la selle qui hurle en tenant ma jambe gauche. Quand le camion est passé,
Dorée a pris peur. J’ai voulu la faire serrer le bas côté, mais elle
a fait un pas en arrière. Sa fesse gauche a tapé la remorque et je me
suis retrouvée la jambe coincée entre le cheval et la tôle après avoir
reçu un choc violent dans le mollet sûrement dû au matos de maréchalerie
se trouvant dans ma sacoche. Jérôme insulte le chauffeur de toutes ses
forces, retire ma chaussure et attrape le téléphone dans le même temps.
Il appelle les flics tout de suite et donne une description détaillée du
véhicule, nous n’avons pas le numéro de plaque. Ils partent à la
recherche du chauffeur. Tout çà en 30 secondes, peut-être plus ou
moins. Je n’en sais rien, j’ai mal et j’ai eu tellement peur, je
sanglote sans pouvoir m’arrêter, les nerfs me lâchent. Jérôme est
dans une colère noire. On décide d’aller jusqu’à Laniscat, il faut
trouver un toubib. Je n’ose pas bouger ma jambe. Dorée a les poils de
la fesse brûlés sur une bande de 10 cm de haut et 30 de large, elle ne
boite pas et n’a pas l’air de souffrir. On parcourt les 2 kms qui
nous séparent de Laniscat, on croise les gendarmes bredouilles pour
l’instant. Arrivés
au terrain communal, Jérôme me fait descendre de cheval et m’assied
par terre à l’ombre. Point de toubib ici, du coup, il appelle les
pompiers. A
ce moment, mes yeux tombent sur les fesses de Dorée, puis sur l’arrière
de ma sacoche en cuir de 5 mm éventrée. Là, une peur sourde, à
retardement, m’envahie : et s’il n’y avait pas eu la sacoche,
dans quel état serait ma jambe ? ! ! J’ai eu beaucoup de
chance, mon pantalon n’est même pas déchiré et j’ignore si j’ai
quelques choses de cassées mais çà m’étonnerait. Une idée en pousse
une autre : et si je ne pouvais finir ce voyage ? Et Dorée, en
refroidissant, va-t-elle se mettre à boiter ? Je me plante toute
seule des poignards dans le cœur et c’est avec un mélange de colère
et de tristesse que je découvre le chauffeur du camion que les gendarmes
nous ramènent. Celui-ci commence à se défendre avec toute la mauvaise
foi qu’il peut. Je l’incendie en faisant des bonds par terre sous l’œil
ahuri de l’adjudant qui prend Dorée et les sacoches en photos. Les
pompiers arrivent sur ces entre faits et me chargent sur un brancard puis
dans le camion. Les policiers accaparent Jérôme qui a bien du mal à me
fournir quelques affaires et mes papiers. Du coup, je me retrouve en route
pour les urgences de Guingamp avec une seule chaussure, ma carte vitale,
mon chéquier et un sac plastique plein de culottes propres mais pas sèches.
J’ai du mal à contenir mes pleurs de rage. Ce n’est pas possible, le
voyage ne peut pas se finir comme çà ! ! De
son côté, Jérôme monte le camp, soigne Dorée et lâche les chevaux
avant de se retrouver à la gendarmerie durant 2H afin d’établir un
constat avec le fautif qui finit par accepter ses tords. Le
commissariat appelle l’hôpital : non, je n’ai rien de cassé,
ouf ! Par contre, on me prescrit des béquilles pendant une semaine
et une pommade pour l’écrasement musculaire et les contusions. Je sors
le soir même avec Gwen qui arrive à la rescousse. Pierre
et Gwen sont de sortie ce soir-là, du coup ils me proposent de les
accompagner chez leurs amis. Allez, çà m’évitera de trop penser ! La fatigue me tombe dessus et je ne comprends pas toutes les conversations. Le
lendemain, je dors jusqu’à midi. Quand je me lève, je pose à peine le
pied par terre et ma jambe est dure comme du bois. Je me force à marcher
pour voir. C’est encore un peu tôt mais c’est pas pire. Je passe l’aprem
en compagnie de Gwen sur une plage à ramasser des palourdes ;
l’exercice me fait du bien et je sens que je peux mieux poser mon pied.
La décision est prise de retrouver Jérôme ce soir. Il
est à Trémargat chez des copains chevriers. Il a fait son étape tout
seul en prenant Dorée comme cheval de bât. Il est déçu de ne pas
pouvoir continuer au moins un jour de plus tout seul pour récolter les
fruits de son travail avec Dorée, mais il est content aussi que je puisse
finir le voyage. Bien
sur, je boite beaucoup et Jérôme doit m’aider à monter et descendre
et je ne peux pas marcher sur de longues distances. De plus, je ne peux
pas me mettre à genou, du coup, il se trouve à monter, démonter la
tente et ranger toutes les affaires durant trois jours. Enfin, clopin,
clopan, nous arrivons à notre dernier bivouac devant le Meney-Bré, un
des lieux de nos entraînements avant le départ. Au
petit matin, il fait déjà bien chaud sous la tente. Ciel limpide, soleil
haut, les hirondelles slaloment entre les juments qui siestent devant un décor
irréel. J’ai beau me dire qu’il reste encore les 4 jours pour emmener
Nougat à la mer, ce matin a un goût de fin de voyage. Les émotions
contradictoires m’envahissent. Je suis excitée par le fait d’arriver
mais j’ai aussi une grosse boule au fond de la gorge et mes yeux ne
peuvent quitter ce tableau. Je vois trouble et quand je plie la tente,
c’est comme si je pliais un linceul. On apporte plus de soin au pansage,
faire durer… Au
bout de quelques kilomètres, Dorée, en tête, a l’air de reconnaître
le chemin du retour. Je la laisse faire. A chaque embranchement, elle
regarde les différentes directions avec une franche inclinaison pour la
maison. Comme les ordres ne viennent pas, elle choisit très nettement sa
route en prenant un petit trot de peur sûrement que je revienne sur sa décision. Plus
on avance, plus l’excitation monte entre les filles et nous. On rit, on
parle fort et on se souvient… C’est ainsi que nous arrivons à
l’heure du café chez Pierre et Gwen. On
attache nos compagnes. Elles attendent sagement qu’on les desselle
pendant qu’on boit un coup à nos retrouvailles. Je n’ai pas
l’impression d’être arrivée. On boit juste un verre avant de
repartir. Mais non, allez, les filles ont bien mérité ce grand pré bien
vert qui les attend. Nous
discutons tout l’aprem à table sur la terrasse qui jouxte le champ des
chevaux. Julie |
Photo : Julie Stierer Lac de Guerlédan
Photo : Julie Stierer Dégâts causés par l'accident
Photo : Julie Stierer A l'arrivée, les retrouvailles
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